Bonjour M. Voyer,
Aujourd'hui j'ai une question pour vous pour savoir ce que vous pensez de la pratique infirmière courante qui est de donner immédiatement du Tylenol aux résidents âgés chez qui on détecte de la fièvre.
Au cégep, un professeur nous avait parlé du processus de fièvre et nous avait dit qu'il n'était pas souhaitable de donner immédiatement du Tylenol lors d'épisodes de fièvre et cet enseignement m'est toujours resté. Par contre une fois sur le plancher et encore aujourd'hui, je réalise que toutes les infirmières sans exception donnent du Tylenol au jour 1 qu'un résident fait de la fièvre et je me sens marginal dans ma pratique lorsque je dis à mes infirmières auxiliaires de ne pas en donner pour laisser le patient faire sa fièvre.
J'ai bien sûr fait des petites recherches et suis tombé sur de rares mais très intéressants articles qui argumente en ma faveur https://www.lesoleil.com/2014/02/04/combattre-la-fievre-oui-ou-non-b950b42b286cdfb4c3f62e1c2b57f35b/
Qu'en pensez-vous? Je sais que la fièvre peut favoriser la survenu de délirium chez nos résidents atteint de démence mais d'un autre côté, est-ce vraiment obligé d'en donner d'emblée?
Merci bcp pour votre temps
Merci beaucoup!
Bonjour madame Marmet,
Merci pour cette question très pertinente. La réponse n'est pas simple et doit tenir compte des particularités de la population gériatrique. En effet, il est important de reconnaître que chez les personnes âgées, la réponse fébrile est souvent émoussée et limitée. Cela signifie que la fièvre peut ne pas s'exprimer de manière aussi claire qu'elle le ferait chez des individus plus jeunes. Par conséquent, le potentiel bénéfique d'une réponse fébrile est lui aussi restreint, ce qui peut limiter son rôle protecteur dans le processus de lutte contre l'infection.
Il est également essentiel de tenir compte de la condition de santé globale de la personne. Chez des personnes fragiles, un épisode de fièvre pourrait avoir des effets délétères : la fièvre peut affaiblir davantage la personne, entraîner une diminution de l'appétit et de la consommation de liquides, ce qui peut rapidement conduire à un état de déshydratation et de dénutrition. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les patients atteints de troubles neurocognitifs majeurs (TNCM), comme la maladie d'Alzheimer, où toute déstabilisation peut provoquer une détérioration rapide de leur état général.
Je comprends également votre réticence à donner du Tylenol systématiquement, car, comme certains articles l'illustrent, la fièvre joue un rôle naturel de défense immunitaire. Cependant, dans le contexte gériatrique, l'équilibre entre les bénéfices potentiels de la fièvre et ses risques doit être soigneusement évalué. Une approche personnalisée est recommandée, en prenant en considération la fragilité de chaque personne, son risque à la déshydratation, son état nutritionnel, son état de santé…
Globalement, je suis personnellement plus favorable au traitement antipyrétique pour cette population, car la fièvre pourrait déstabiliser davantage les résidents fragiles et entraîner un déclin fonctionnel accéléré, notamment chez ceux atteints de TNCM. Cependant, il est également crucial de rester vigilant et de ne pas en faire une approche systématique sans réflexion clinique préalable. Le fait de surveiller étroitement l'évolution de la fièvre et de prendre en compte les symptômes associés reste essentiel pour guider la prise de décision.
Merci encore pour votre question. J’invite toute personne qui ne partage pas mon opinion d’ajouter la sienne. C’est avec l’Avis de tous qu’on aura un jugement collectif de meilleure qualité!
Philippe Voyer